Moselle

Chasse à l'arc, une lutte contre soi et la nature

Qu’est-ce que la lutte ? Ce mot évoque en chacun de nous un sens différent.

La lutte, par définition, est l’action de défendre, combattre pour l’obtention d’un bien et plus précisément d’un Graal recherché. Depuis la naissance de la vie sur Terre, tous les individus ont lutté un jour dans leur existence que ce soit pour naître, échapper à un prédateur ou bien chasser une proie pour se nourrir.

J’ai 17 ans et la plus belle lutte que j’exerce est celle de chasser, non pas à la carabine (bien que je l’utilise également), mais à l’aide d’un arc traditionnel « tel un indien ». Je vous fais part de ma « noble » lutte car avant tout propos qualifiant les chasseurs « d’assassins », je tiens à préciser que la chasse et le prélèvement d’animaux sont indispensables au bon fonctionnement de la cohésion entre l’Homme et la nature. Je pense que beaucoup d’entre vous ont eu la désagréable surprise de collisions avec des chevreuils, des dégâts dans vos jardins par les sangliers ou d’innombrables fientes de pigeons sur vos pare-brises. Par souci économique, l’homme a depuis longtemps supprimé les grands prédateurs qui étaient nécessaires à l’autogestion de la faune. À nous donc de les remplacer.

Pensons à une chasse réfléchie, respectueuse de l’éthique, des animaux et sécuritaire.

Vous me direz : « La lutte à la chasse ? Je ne vois pas d’adversaires. » Et bien détrompez-vous car quelqu’un qui ne pratique pas ne peut savoir la déception après une approche d’une heure d’un gibier qui vous a repéré à cause d’un brusque changement de direction de vent et d’une effluve humaine un peu trop forte. Mais n’oublions pas que ce sont nos erreurs qui forment notre expérience.

Les hommes sont effectivement équipés de carabines à lunettes, de fusils, de balles, de vêtements camouflés et de télémètres, mais aucune de ces technologies ne peuvent contrarier Mère Nature, qui a la main sur la météo, la direction du vent, les mœurs nocturnes du gibier, les facultés de celui-ci. Il faut avouer que nous avons un avantage certain au niveau de la létalité de nos armes, mais faut-t-il encore savoir s’en servir (arc ou carabine). Ce n’est pas parce que l’on croise un brocard dans le réticule de sa lunette qu’il est dans l’assiette du chasseur. Je rappellerai qu’on ne chasse pas pour tirer et blesser, mais pour tuer dans les plus brefs délais et sans souffrances un animal que l’on respecte. Mais parfois, il ne faut pas se cacher les choses, on peut blesser un animal.

Là s’engage un processus de recherche avec un chien spécialisé pour aller jusqu’au bout, par respect total. La chasse, c’est aussi une lutte physique, que ce soit pour chasser le faisan sous une chaleur atroce ou suivre un chamois dans la haute-montagne en se dépassant ou bien simplement attendre dans la plus grande immobilité un Keiler dans le froid hivernal.

Notre passion pour ce Graal peut mettre à genoux les chasseurs les plus résistants. Au-delà de la lutte physique, la chasse est une lutte psychologique. Aussi dangereuse pour l’animal que pour l’Homme. Des maladies comme la « fièvre noire », c’est à dire la fièvre de la traque obsessionnelle du sanglier s’y développe (ou bien la recherche d’un animal bien précis) peuvent mettre le psychique du chasseur dans un rude état.

Un facteur décisif dans la chasse est aussi la chance que l’on essaiera de dépasser, si un animal n’a pas envie de passer à votre poste, vous ne verrez que les moineaux se moquer de vous !

Je parle de la chasse en général, mais je vais vous parler de ma véritable passion, ma véritable lutte : la chasse à l’arc !

La chasse à l’arc c’est tout d’abord la découverte d’une nouvelle et très ancienne chasse.  Il faut être passionné et se donner les moyens de réussir par un travail personnel. La chasse à l’arc c’est une technologie bien plus complexe qu’il n’y paraît et la remise en question perpétuelle de sa personne, rien n’étant jamais acquis.

Pour ma part, le tir et la chasse à l’arc nous demandent toujours de nous surpasser, de combattre contre nous-même l’envie d’arrêter ou d’abandonner ou bien simplement de rester sur nos acquis jusqu’à ce qu’un loupé détruise cette confiance en nous. Beaucoup d’entraînement et de recherches personnelles sur l’arc et l’équipement sont nécessaires pour réussir sa chasse.

Tirer à l’arc demande un effort physique plus ou moins important et un effort mental lors de l’entraînement, mais quand on fait un « tir de chasse », c’est bien différent. Premièrement notre esprit se concentre sur la zone vitale de l’animal (très petite), on choisit le bon moment pour armer et lâcher sa flèche. Après, vient le moment le plus dur, attendre plus ou moins 20 minutes avant d’aller voir à l’Anschuss (lieu présumé de l’impact) et relever les indices. Pendant ces 20 longues minutes, on se répète l’action du tir un nombre incalculable de fois, imaginant tous les scénarios possibles, toutes les atteintes possibles sur le gibier, c’est très difficile de rester calme et serein. Il faut attendre ce laps de temps pour que la flèche fasse son travail, créant l’hémorragie nécessaire à la mort de l’animal. Bien plus souvent, lors d’un bon tir, l’animal tombe en moins d’une minute, sans le stress du coup de feu. C’est le moment le plus éprouvant dans cette chasse. De plus, si la flèche n’est pas mortelle, l’animal a beaucoup de chances de survie car elle ne fera que couper, donc l’animal cicatrisera et cela le rendra bien plus méfiant. Dans l’action d’une chasse à l’arc, il faut être près, très près de l’animal, une vingtaine de mètres et c’est déjà loin ! La distance optimale est certes la plus proche possible mais nous pouvons être heureux quand l’animal se trouve entre 10 et 15 mètres.

La devise des chasseurs à l’arc est « Toujours plus près ».

Imaginez-vous quand vous repérez un animal à 150 mètres et que vous devez l’approcher à 15 mètres, la lutte entre l’animal et vous s’engage alors. En vous se réveilleront des instincts oubliés, puissants. N’oubliez jamais que les animaux sont très bien équipés pour survivre, des millénaires de sélection naturelle leurs ont fournis tout ce qui est nécessaire. Ils peuvent vivre et survivre seuls, contrairement à la très grande majorité des hommes, et sont résistants, courageux, forts, savent se reposer, et de ne s’apitoient jamais sur leur sort, ce que nous avons perdu. Leurs quelques défauts les font mourir. Les fainéants se font tuer car ils ne fuient pas. Idem pour les gourmands qu’on peut attendre aux lieux de gagnages.

Le chasseur tue pour réguler mais aussi pour manger, n’oublions pas que l’Homme est doté de deux yeux sur le devant de la tête, avec une vision frontale, et des canines comme les prédateurs.

Et quelle belle émotion, quand tout est réuni pour tirer, de ne pas le faire.

On ne tire pas ; pourquoi ? Car l’animal est trop beau, trop parfait puis on se dit que l’on a déjà gagné, et qu’on le recroisera plus tard. Et cette fois qui sait…

Jules Mercier

 

Gabriel PAQUIN président des Chasseurs à l’Arc de Moselle.

« Un travail d’introspection et un regard sur la chasse de grande qualité d’un jeune chasseur passionné par la chasse à l’arc. Une première voie vers une chasse portée sur la réflexion et la mise en place d’une philosophie cynégétique qui sont l’avenir de la chasse. »

 

© geilfus

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