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Grand Est : quid des radars ornithologiques ?

Le radar ornithologique installé à Atton par la FDC 54. Crédit : FDC 54

La fédération régionale des chasseurs du Grand Est a inauguré en septembre un nouveau radar ornithologique à Bréchaumont, au sud-est de Mulhouse. C’est le second dans le Grand Est. Le premier avait été installé par la FDC 54 à Atton. Au total, sept radars ont été acquis par le monde cynégétique. Mais à quoi servent-ils ?

Pour suivre au mieux les migrations des oiseaux, mais aussi des insectes, certaines fédérations se sont équipées d’un radar ornithologique. Cet outil contribue à l’amélioration de la connaissance de la faune sur les territoires en recensant de façon continue l’ensemble des populations migratrices d’insectes et d’oiseaux.

Un nouveau radar en Alsace

Avec le soutien de la Région, la fédération régionale des chasseurs du Grand Est s’est armée d’un nouvel outil pour suivre les oiseaux pendant les périodes de migration. Le radar ornithologique permet d’affiner les données concernant la migration de centaines d’espèces d’insectes et d’oiseaux, mais également d’étudier les évolutions climatiques. Ces données compléteront la base de données nationale, dans le cadre d’un projet éco-contribution porté par la FNC. Mieux connaître les flux de l’avifaune migratrice, c’est mieux comprendre et quantifier la biodiversité et son évolution.

Aux 90 000 euros investis par la FRC Grand Est, la région Grand Est a accordé une subvention de 100 000 euros pour l’achat et la mise en place de ce radar. Mais ces subventions ne sont pas du goût de tout le monde. Non contente de pouvoir compléter les comptages humains avec cet outil, la LPO (Ligue de protection des oiseaux), par l’intermédiaire du président de l’antenne alsacienne Yves Muller, regrette que le radar ne soit « pas assez précis pour savoir si on parle d’une mésange bleue ou d'une mésange charbonnière, d’un milan noir ou d’un milan royal par exemple. Les données ne sont pas assez précises pour faire avancer la connaissance ». Mais Bruno Heckenbenner, directeur de la fédération des chasseurs du Grand Est, assure que leurs « scientifiques y travaillent » et ajoute : « C’est l’intelligence artificielle qui reconnaît les "échosignatures" des oiseaux. Le principe de l’intelligence artificielle, c’est qu’elle progresse. Un système de caméra devrait également être mis en place. »

Concrètement, chaque catégorie d’espèces présente une échosignature qui lui est propre et qui se caractérise notamment par la fréquence de ses battements d’ailes ainsi que par les durées de battements/pauses. Par exemple, les oiseaux d’eau, dont les battements sont continus, se distinguent des passereaux au vol intermittent.

La FDC 54, précurseur

En Lorraine, la FDC 54 s’est équipée d’un radar ornithologique installé à Atton, commune où se situe le siège de la fédération départementale des chasseurs de Meurthe-et-Moselle. Financé conjointement, à parts égales, par la FDC 54 et la fédération du Pas-de-Calais, le radar était actif d’octobre 2016 à fin mars 2019. L’objectif de cet outil est de suivre toutes les espèces afin d’estimer au mieux les flux des oiseaux en migration dans la vallée de la Moselle.

La FDC 54 a aussi travaillé à améliorer les algorithmes de classifications des espèces. « Il s’agit d’un radar aéroécologique couplé à un classifieur discriminant les groupes d’espèces en temps réel. Il fonctionne de jour comme de nuit et 7j/7. Il enregistre en continu tous les oiseaux et les insectes volants dans un cône de détection allant de 30 m à 2 000 m d’altitude », explique Moana Grysan, ingénieur d’études à la FDC 54. Décrié, le radar ornithologique apporte pourtant des données importantes pour évaluer les flux migratoires et l’impact des activités humaines sur la faune volante de la région. « Le radar voit ce que l’œil humain ne voit pas, à savoir la migration nocturne et les individus passant en altitude. Il n’est pas sujet à des biais dans les observations et enregistre près d’une trentaine de paramètres au niveau de la taille, la direction du vol, l’altitude et le nombre de battement d’ailes », ajoute l’ingénieur.

Les résultats obtenus ont permis à la fédération de la Meurthe-et-Moselle d’estimer le flux migratoire à près de 60 millions d’oiseaux entre Metz et Nancy en automne. « Le flux est plus important que ce que l’on imaginait dans la région et la migration est surtout nocturne et à des altitudes qui échappent à l’œil humain », observe Moana Grysan. Cependant, l’ingénieur de la FDC 54 note quelques limites à cet outil. « Il faudrait améliorer les algorithmes de classification afin d’obtenir une discrimination par espèces et non par grands groupes d’espèces comme actuellement. »

Et dans un souci de partage des données, un site Internet géré par la FNC a vu le jour. Le grand public peut visualiser les données des 7 radars ornithologiques gérés par les chasseurs sur aerorad.chasseurdefrance.com. De ce fait, les résultats profiteront à toute la communauté scientifique. Pour le monde cynégétique, les données permettront de mieux connaître les couloirs de migration, d’affiner les dates de migration, d’améliorer les connaissances sur l’état des peuplements et de mettre en place la gestion adaptative des espèces. C’est l’outil indispensable pour une chasse durable.

L. M.

Cet article a initialement été publiée dans le n°169 des Chasseurs de l'Est

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