Interview du président de la FNC

Willy Schraen : « Le Grand Est est un bastion de la chasse française »

Réélu à la tête de la Fédération nationale des chasseurs le 28 juin pour un second mandat de six ans, Willy Schraen poursuit son engagement pour défendre la chasse française. Cet homme de terrain et de conviction garde aussi un lien particulier avec notre région, le Grand Est.

Le Grand Est constitue une des plus importantes régions cynégétiques de France, qu’en pensez-vous ?

Willy Schraen : C’est un bastion de la chasse française. Le nombre de pratiquants est assez conséquent et il y a une forte implication de la part des chasseurs et de leurs dirigeants. La fédération régionale des chasseurs du Grand Est a toujours donné un vice-président à la FNC et c’est le cas actuellement avec Patrick Massenet, président de la fédération de la Meurthe-et- Moselle élu le 28 juin. Par ailleurs, outre Patrick Massenet, Jean-Pol Gambier, président de la fédération des Ardennes et Frédéric Tissier, président de la fédération des Vosges, ont été élus au conseil d’administration. Claude Mercuzot (Aube), Jacky Desbrosse (Marne) et Frédéric Obry (Bas-Rhin) sont suppléants. Le Grand Est est une grande région cynégétique où notre passion est érigée comme un mode de vie inclus dans la ruralité, avec par exemple une grande culture de l’approche et une vraie valorisation de la venaison.

L’explosion de la facture des dégâts de grand gibier met-elle en péril l’avenir des fédérations ?

W. S. : La situation est claire. Les fédérations ne sont plus en mesure de payer des sommes importantes et qui augmentent encore fortement cette année du fait du prix des céréales. Les chasseurs payent tout et ils se font insulter, alors que chez nos voisins espagnols par exemple, ils sont accueillis comme des sauveurs. Je respecte la propriété privée, mais comment peut-on payer des dégâts sur l’entièreté des terres alors qu’un tiers d’entre elles ne sont plus chassables ? Il faut un accord pour changer le taux d’indemnisation avec une gestion administrative dans laquelle les chasseurs seront rémunérés. Quoiqu’il se passe, les denrées seront de plus en plus chères. La chasse finira par s’effondrer financièrement et socialement si rien n’est fait.

Que pensez-vous de la tradition de chasse d’été dans le Grand Est ?

W. S. : C’est un bon outil qu’il faut développer. Mais à l’échelon national, il est difficile à mettre en place dans certains territoires. L’approche est une excellente méthode pour réguler les populations, avec un plan de chasse qualitatif, et minimiser les dégâts. On devrait développer cette chasse intelligente qui a un taux d’acceptation sociétale supérieure à d’autres.

L’accueil de chasseurs extérieurs, comme dans le Grand Est, est-il à développer ?

W. S. : C’est un modèle intéressant. Mais il dépend aussi de la qualité cynégétique des territoires et de leur capacité d’accueil. Le grand gibier est très présent dans le Grand Est. Il favorise des échanges naturels avec les autres régions et les pays voisins. Cela est important. Dans cette optique, nous avons oeuvré pour l’instauration du permis de chasser national quasiment au prix du départemental. La chasse doit être une activité raisonnable financièrement et accessible à tous sans différences sociales.

Le grand gibier prédomine dans le Grand Est. Avez-vous des solutions pour développer le petit gibier ?

W. S. : Le petit gibier est inféodé à l’agriculture. Des solutions, on peut en avoir, mais des certitudes, il n’y en a pas beaucoup ! Il faudrait modifier la taille des parcellaires, changer certaines pratiques agricoles, lutter contre la prédation. On essaie d’accompagner au mieux tous les projets d’aménagement, de gestion et de réintroduction pour rétablir et maintenir les populations. Les chasseurs le font avec une énergie considérable. Mais il n’y a pas de solutions miracles. Nous avons des espèces de moins en moins compatibles avec l’évolution vers une agriculture intensive et la problématique du piégeage.

La fin des chasses traditionnelles, comme la tenderie dans les Ardennes, est-elle inéluctable ?

W. S. : Rien n’est inéluctable. On n’est pas seulement dans un combat juridique. La bataille est aussi idéologique. Nos opposants veulent faire disparaître par petits morceaux des modes de chasse comme la tenderie. Cette stratégie vise, in fine, à éliminer l’ensemble de nos activités. J’élève la tenderie à un art de chasse avec une connaissance des oiseaux extraordinaire. Il n’y a rien de barbare, de cruel et d’un autre temps, alors que les prélèvements atteignent à peine 2 000 grives par an. Ce n’est pas parce que peu de personnes pratiquent ces modes de chasse, qu’il faut les laisser tomber. On va se battre pour les sauver. Mais cela sera difficile. Des discussions sont en cours et nous suivons activement ces dossiers.

Défendrez-vous le droit local Alsace- Moselle dans la prise en compte des dégâts ?

W. S. : Je suis le président de tous les chasseurs et j’ai toujours défendu toute la chasse française. Évidemment je défendrai les trois fonds départementaux d’indemnisation des dégâts de sangliers (FDIDS). Il n’existe pas hélas de système idéal actuellement, et le seul qui le serait, est celui où les chasseurs ne payent plus et sont rémunérés.

Et chasser dans le Grand Est ?

W. S. : J’aime beaucoup. J’ai des amis dans cette région depuis des années. Il existe une vraie culture chasse, avec cette ruralité profonde qui se transmet de génération en génération. Une des premières actions que j’ai prise alors que j’étais un tout jeune permis était en Haute- Marne. J’ai des souvenirs extraordinaires de cette époque. Je suis l’archétype du pratiquant des Hauts-de-France qui aime chasser le grand gibier dans le Grand Est. Je n’ai malheureusement plus beaucoup de temps pour y aller régulièrement mais je ne manquerais jamais une occasion d’y retourner.

 

Propos recueillis par Jean-Paul Burias

Cette interview a initialement été publiée dans le n°168 des Chasseurs de l'Est

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